Le droit du travail à l’épreuve du COVID-19

Code du travail

À l’heure de la reconduction du confinement national, nombreuses sont les interrogations des salariés quant au devenir de leur contrat de travail : formalisation d’une promesse d’embauche, rupture de période d’essai, rupture anticipée de CDD, mise en œuvre du pouvoir disciplinaire de l’employeur, modification de la durée du travail etc.

Qu’en est-il des règles actuellement en vigueur ?

L’article 11 de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 dite « d’urgence pour faire face à l’épidémie de COVID-19 » prévoit la possibilité pour le gouvernement de modifier le Code du travail par ordonnances dans le cadre de 12 thématiques.

Toutes les autres dispositions applicables en droit du travail et non concernées par ces 12 thématiques ne souffrent donc, en principe, d’aucune exception.

Sous réserve évidemment de l’appréciation qui en sera faite par les Conseils de Prud’hommes.

À titre d’illustration, si l’article L1243-1 du Code du travail prévoit qu’il est possible de rompre un CDD de manière anticipée en cas de force majeure, encore faut-il que l’épidémie de coronavirus que nous connaissons constitue un cas de force majeur au sens de l’article 1218 du Code civil.

En ce qui concerne les matières soumises à dérogation, trois d’entre-elles suscitent particulièrement des inquiétudes.

1) Le Gouvernement est autorisé à prendre toute mesure ayant pour objet « de limiter les ruptures des contrats de travail et d’atténuer les effets de la baisse d’activité en facilitant et en renforçant le recours à l’activité partielle pour toutes les entreprises quelle que soit leur taille, notamment en adaptant de manière temporaire le régime social applicable aux indemnités versées dans ce cadre, en l’étendant à de nouvelles catégories de bénéficiaires, en réduisant, pour les salariés, le reste à charge pour l’employeur et, pour les indépendants, la perte de revenus, en adaptant ses modalités de mise en œuvre, en favorisant une meilleure articulation avec la formation professionnelle et une meilleure prise en compte des salariés à temps partiel ;» 

Dispositions mises en œuvre par le décret n°2020-325 du 25 mars 2020 relatif à l’activité partielle 

La généralisation du recours à l’activité partielle est la seule mesure destinée à limiter les ruptures de contrat de travail.

Cette mesure devrait notamment permettre d’apprécier strictement les ruptures de contrat intervenues durant la crise. 

Toutefois, au-delà de ce dispositif, les salariés ne bénéficient, à ce jour, d’aucune protection particulière relative à la rupture de leur contrat de travail et les dispositions légales en la matière restent applicables (articles L.1232-1 et suivants du Code du travail).

Si, dans un premier temps, Madame Muriel PENICAUD (Ministre du Travail) semblait s’opposer à tout licenciement prononcé en cette période de crise sanitaire, Monsieur Edouard PHILIPPE (Premier Ministre) s’est prononcé contre « l’interdiction des licenciements ». 

Or, en pratique, nombre de salariés se retrouvent actuellement confrontés à des licenciements verbaux et/ou des menaces de licenciements non fondés.

Des dérives qui seront portées devant les juridictions à la sortie de crise mais qui, pour l’heure, laissent les salariés dans l’ignorance la plus totale quant à l’attitude à adopter. 

2) Le Gouvernement est autorisé à prendre toute mesure ayant pour objet « de permettre à un accord d’entreprise ou de branche d’autoriser l’employeur à imposer ou à modifier les dates de prise d’une partie des congés payés dans la limite de six jours ouvrables, en dérogeant aux délais de prévenance et aux modalités de prise de ces congés définis par les dispositions du livre Ier de la troisième partie du code du travail et par les conventions et accords collectifs applicables dans l’entreprise ; »

3) Le Gouvernement est autorisé à prendre toute mesure ayant pour objet « de permettre à tout employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates des jours de réduction du temps de travail, des jours de repos prévus par les conventions de forfait et des jours de repos affectés sur le compte épargne temps du salarié, en dérogeant aux délais de prévenance et aux modalités d’utilisation définis au livre Ier de la troisième partie du code du travail, par les conventions et accords collectifs ainsi que par le statut général de la fonction publique ; »

Dispositions mises en œuvre par l’ordonnance n°2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos 

Afin de permettre aux entreprises de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la crise sanitaire, les employeurs ont la possibilité de déroger aux règles d’ordre public dans des domaines tels que les congés payés, la durée du travail et les jours de repos.  

À titre d’illustrations :

  • L’article 1 de l’ordonnance prévoit qu’un accord collectif peut autoriser l’employeur à imposer ou modifier les congés payés des salariés, pour des périodes ne pouvant excéder six jours ouvrables, ou à modifier unilatéralement les dates de prise de congés payés.
  • L’article 2 de l’ordonnance prévoit que l’employeur peut imposer la prise de jours de repos et modifier unilatéralement les dates de prise de jours de repos.
  • L’article 6 de l’ordonnance prévoit que la durée hebdomadaire maximale fixée à 40 heures peut être portée jusqu’à 60 heures.

Un régime exceptionnel qui, en principe, n’a vocation à s’appliquer que jusqu’au 31 décembre 2020.

Si la nécessité d’une mobilisation nationale pour redresser le pays suite à l’épidémie de COVID-19 n’est pas contestée, de telles dispositions envoient un message fort aux salariés dont la situation n’a cessée de se précariser ces dernières années.

Nous déplorons également l’absence de réelle contrepartie aux efforts imposés, notamment en matière de maintien dans l’emploi.