Enregistrement sur le lieu de travail : bonne ou mauvaise idée ?

Par arrêt du 10 juillet 2024, la Cour de Cassation réaffirme la recevabilité d’un enregistrement clandestin sur son lieu de travail sous conditions.

En l’espèce, une salariée qui s’estimait victime de harcèlement moral avait produit l’enregistrement d’un entretien avec son employeur afin de démontrer la pression subie pour accepter une rupture conventionnelle de son contrat de travail.

La Cour de Cassation rappelle qu’il appartenait à la Cour d’appel de vérifier :

  1. Si la production de l’enregistrement est indispensable à l’exercice du droit à la preuve et, dans l’affirmative,
  2. Si l’atteinte au respect de la vie personnelle de l’employeur n’était pas strictement proportionnée au but poursuivi.

Cette décision s’inscrit dans la lignée de la nouvelle jurisprudence sur les enregistrements dissimulés amorcée en 2020.

Jusqu’alors, en matière civile, le principe de loyauté de la preuve s’opposait à la recevabilité d’enregistrements réalisés à l’insu d’une personne.

Par arrêt du 25 novembre 2020, la Cour de Cassation admettait que l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraînait pas nécessairement son rejet des débats.

Puis par arrêt du 26 mars 2021, la Cour de Cassation précisait que la production en justice d’éléments extraits d’une conversation, même privée, était possible à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.

L’appréciation de ces conditions se fait au cas par cas.

À première vue, cet élargissement des moyens de preuves représente une aide considérable dans la manifestation de la vérité, tout particulièrement en matière de harcèlement.

Cependant, des dérives sont à craindre : faux enregistrements, enregistrements partiels, climat de méfiance généralisée, recherche de fautes, etc.

C’est un ainsi que dans un arrêt du 14 février 2024, la Cour de Cassation a admis que des enregistrements de vidéosurveillance illicites pouvaient fonder un licenciement pour faute grave, en l’espèce concernant des faits de vols, aux motifs qu’une telle production était indispensable à l’exercice du droit de la preuve et proportionnée au but poursuivi.

La Cour de Cassation sera donc très probablement amenée à détailler sa jurisprudence en la matière.

En tout de cause, afin de limiter les possibilités de contestation, il importe de veiller à géolocaliser le lieu de l’enregistrement ainsi que de le faire constater par commissaire de justice avant toute production. Il convient, en parallèle, de mobiliser d’autres moyens de preuve comme des témoignages, des traces écrites, des alertes aux élus de nature à corroborer l’enregistrement produit.